proposez une contraction en 150 mots (+/- 10% of course!) du texte suivant, très adapté d'un article de Libération.
Gare au populisme pénal
(…) En France comme aux Etats
Unis, la question pénale connaît une période d'intense politisation.
L'équilibre entre sécurité et liberté n'a jamais été aussi fragile dans une
société ouverte, fluide et traversée de risques multiples dont le terrorisme
est l'exemple extrême. Objet de multiples remaniements, le droit de punir devient
le régulateur des inquiétudes collectives. Prises dans le circuit court des
démocraties d'opinion, les réformes se succèdent à un rythme accéléré. Sous
cette pression, le discours politique répète invariablement que tout acte
appelle une sanction, tout scandale un apaisement. A un événement malheureux
répond un acte «fort» en attendant un «texte d'équilibre» comportant son lot de
nouvelles incriminations.
Faute de temps pour interpréter
ce qui nous arrive, la rhétorique politique s'épuise dans une vaine réactivité
à l'événement. L'année dernière, une réforme massive du code de procédure
pénale (pas moins de 350 articles modifiés dans la loi Perben 2), examinée dans
un trop court délai par le Conseil constitutionnel, a rendu impossible d'en
mesurer la portée notamment pour les droits de la défense. Encore faudra-t-il
penser une répression compatible avec les valeurs d'une société démocratique. (…).
La tentation populiste, supposée
électoralement gagnante, est grande. Elle est favorisée par l'impuissance de
l'Etat face à un marché mondial et une déréglementation sociale débouchant sur
la gestion du non emploi. Tout se passe comme si le terrain perdu sur le plan
social pouvait être rattrapé par un surcroît de sécurité «civile» c'est-à-dire
par le déploiement des forces de police. De problème qu'elle est, l'insécurité
devient une solution pour des dirigeants politiques moins capables de peser sur
le cours de choses. Jugés sur un bilan, sous pression médiatique, et dans le
temps court de leur mandat, comment peuvent-ils y résister efficacement ?
Cette tentation gagne aussi le
judiciaire. Sous la pression du besoin de sécurité, l'appareil judiciaire
l'intériorise et le prolonge dans son fonctionnement. Le système pénal est
construit pour réagir en temps réel. L'orientation des réformes récentes est
marquée au sceau du pragmatisme et de l'efficacité. Les pratiques s'adaptent,
deviennent plus flexibles. Mais à quel prix ! Audiences surchargées, magistrats
épuisés, procédures accélérées : la part évaluative du jugement, simplifiée à
l'extrême, disparaît dans une culture du résultat. Ce que la justice gagne en
efficacité, elle le perd en capacité d'analyse et de débat. A partir du moment
où le destinataire de la décision n'est plus l'individu mais le public,
celui-ci en devient le critère et la justification. Dépositaire des inquiétudes
collectives, la justice s'apparente à son tour à un média qui doit envoyer des
messages clairs, limpides et non équivoques au public. La nécessité d'une
«réponse» place le système tout entier sous la contrainte du message à envoyer.
Une authentique culture de la
sécurité suppose la répression mesurée des actes, un diagnostic contextualisé
de leur signification, un traitement individualisé aux moyens renforcés. L’espoir
réside dans une réflexion sur les conditions de restauration d'une sécurité
fondée sur un bien commun et non sur un partage de la peur. Cela suppose une
volonté politique d'équilibrer un système pénal, en lui-même porté à exclure,
par des dispositifs d'aide et de soutien. Nous pouvons encore faire le choix
d'une sécurité compatible avec les idéaux humanistes et démocratiques qui ont
fondé le droit de punir.
Denis SALAS, Libération, 24 juin 2005
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